Conserver 100% des allocations familiales en échange de ne pas recevoir de pension alimentaire? Mauvaise idée !

Pourquoi ne pas conserver 100% des allocations familiales en échange de ne pas recevoir de pension alimentaire? La réponse est simple : que ce soit le débiteur (payeur) ou le créancier (receveur), vous n’êtes pas protégés contre un remboursement ou un paiement rétroactif.

Débutons par les « allocations familiales ». En général, dès la naissance d’un enfant, le(s) parent(s) gardien(s) reçoivent deux sortes d’allocations , celle du gouvernement fédéral du Canada appelée l’Allocation canadienne pour enfants (ACE) et celle du gouvernement provincial du Québec appelée le Soutien aux enfants. Le montant sera établi en fonction du type de garde (garde partagée ou exclusive) et du revenu familial (composé du revenu du parent gardien et de son conjoint même s’il n’est pas le parent biologique de l’enfant). Afin d’être considérées comme un conjoint au sens de la loi, les personnes doivent être mariées ou unies civilement à moins qu’elles ne soient des conjoints de fait et pour ce faire, les personnes doivent faire vie commune depuis un minimum de 12 mois à moins d’avoir eu un enfant ensemble. D’ailleurs, en cas de séparation de fait des conjoints, le conjoint ne peut être considéré comme séparé que si la séparation, due à la rupture de l’union, dure depuis au moins 90 jours (art. 14 Loi sur les prestations familiales).

Concernant la pension alimentaire pour enfants, elle n’est pas établie automatiquement dès la séparation. Les parties peuvent convenir à l’amiable ou en médiation familiale d’un montant. Cependant, cette entente sera basée sur la bonne foi de chacun. Dans ces cas-là, il est d’ailleurs toujours recommandé d’effectuer les paiements de pension alimentaire par chèque ou virement bancaire afin de laisser des traces des paiements. À défaut d’entente, cette question pourra être tranchée par le Tribunal et lorsque jugement sera rendu, la pension alimentaire pourra être prélevée automatiquement sur le salaire du débiteur ou faire l’objet d’autres formes d’exécution.

Ainsi, certaines personnes en contrepartie de ne pas payer de pension alimentaire pour enfants alors qu’ils sont en garde partagée, vont déclarer que l’autre parent a la garde exclusive des enfants afin de qu’il reçoive l’entièreté des « allocations familiales ». Mauvaise idée. Premièrement, s’il est découvert que la personne, de mauvaise foi, a fait une fausse déclaration, la Régie des rentes du Québec peut aller recouvrer jusqu’à 3 ans en arrière les prestations familiales reçues (art. 23 de la Loi sur les prestations familiales). De plus, le parent qui n’a pas reçu les prestations auxquelles il avait droit, ne peut recouvrer les allocations que pour une période rétroactive de 12 mois (art. 13 de la Loi sur les prestations familiales).

De plus, peu importe l’arrangement des parents quant aux allocations familiales, l’article 595 du Code civil du Québec prévoit que « On peut réclamer, pour un enfant, des aliments pour des besoins existant avant la demande; on ne peut cependant les exiger au-delà de trois ans, sauf si le parent débiteur a eu un comportement répréhensible envers l’autre parent ou l’enfant. ». Ainsi, le parent payeur qui a la garde partagée des enfants depuis plusieurs années, en plus de ne pas pouvoir recevoir les prestations de Soutien aux enfants du Québec pour une période rétroactive de plus de 12 mois, pourrait se voir réclamer une pension alimentaire rétroactive de 3 ans.

Le jeu en vaut-il la chandelle?

Texte rédigé par Me Roxane Trudel-Pigeon